C’est un petit couple.
Lui, toujours derrière elle.
Elle, menue comme une souris.A la voix fine comme une flûte. Si elle pouvait se ranger sur le coin droit de l’étagère à vaisselle, elle prendrait une toute petite place derrière la cafetière.
Et la cafetière se mettrait à parler. Beaucoup. D’une petite voix de flûte énergique qui sait ce qu’elle veut et le dit sans ambages. Parce que c’est comme ça que ça doit être. C’est irréfutable.
La maison tourne au rythme de ses certitudes. Dans un ordre propre qui sent le frais et le bien tenu.
Les repas sont maigres. La viande est chère. Et les moyens sont courts. Lui, il aime bien la viande. Ca lui coûte bien de s’en priver. Elle, elle s’en passe volontiers. Il n’a qu’à aimer autre chose. Du pas cher. Elle a choisi d’autoriser la bière. On ne peut pas se priver de tout. Ils boivent de la bière et boudent l’étal du boucher. C’est comme ça que ça doit être.
Aujourd’hui, c’est le jour de lessive a-t-elle dit. Il y a le nombre de serviettes sales. Pour le diner, on va mettre les verres bleus qui vont avec les assiettes à soupe.
De jour en jour, il s’amenuise à la suivre sans la contrarier et sans pour autant la rendre gaie. De devoirs en « il faut », de « c’est comme ça » en « tu ne m’écoutes pas », il se tasse, se rétracte, se réduit. Un jour, il se glisse dans la cafetière, juste devant la petite voix énergique. Il n’en sort plus. Elle appelle, objurgue, retourne la cafetière, secoue. Elle s’assied en tailleur et la coince entre ses jambes. L’admoneste, le supplie.
« J’aime ta voix, dit-il au bout de trois jours Parle-moi encore »
Elle attache la cafetière dans son dos, comme les jeunes mères africaines portent leur bébé. Et elle continue à dire ce qu’il y a à faire, la lessive, les verres bleus, la vaisselle et pas de viande. Il est devenu si petit au fond de la cafetière que ses paroles à elle suffisent à le nourrir.