Il a 16 ans. C’est presqu’un homme.
Sa taille élancée laisse deviner
une belle prestance
malgré ses épaules affaissées.
Il est venu par la mer.
Maigre.
Des traces grisâtres balaient son corps musclé.
Il a fui.
Une dictature.
Les assassins de son père.
Raison politique ?
Il a fui.
La famine.
La terre ne donne pas.
Sa mère est morte de longtemps déjà.
Chez lui, là-bas,
On dit qu’ici, c’est l’opulence.
Il parle mal la langue.
Il fait froid.
Personne ne l’attend.
Y-a-t-il une place pour lui quelque part ?
Son regard erre sur le port.
Les gens passent,
pressés ou nonchalants.
Indifférents.
Comment faire ?
A la descente du bateau,
bousculade.
On lui a volé le peu d’argent
qu’il avait sur lui.
Tout ce qu’il avait pu trouver
dans la case vide
et échanger.
Cela représentait peu.
Maintenant il a rien.
Les fenêtres le regardent,
sans aménité.
Il traverse la place,
s'assied devant une auberge
à côté de la porte.
On a autre chose à faire
que de s’occuper des mendiants du port.
Les gens passent,
pressés ou nonchalants.
Indifférents.
Il s’éloigne,
va s’asseoir contre un arbre
dressé un peu plus loin de là.
Il se cache les yeux dans les mains.
De lourdes larmes
tracent des sillons le long de ses doigts.
Y-a-t-il une place pour lui quelque part ?
La faim crispe son estomac.
Des brûlures remontent son œsophage.
Il croise les bras sur ses genoux.
Pose sa tête sur cet oreiller.
Ferme les yeux.
Pense à sa grand-mère de tout petit.
Il sent sur son épaule la main qu’elle posait sur sa joue.
Une main douce est posée sur son épaule.
Il hésite à lever le visage.
Il n’aime pas montrer qu’il pleure.
Il a peur.
« Tu as faim ? »
…
« Quand tu auras fini ton plat
Je te montrerai la douche. »
Elle la fait entrer dans une pièce
Un lit.
Un fauteuil.
Une lampe à côté du lit.
Une armoire.
Il est son invité.
Il peut s’installer.
Il dort.
Il lui raconte le pays là-bas, très loin
dans un français mal assuré.
Il explique, raconte.
Elle fera tout son possible
pour lui permettre de s’installer ici
et d’avoir une place quelque part.