« Dis l’Odette, t’as nulle part où aller ?
- Ben pardi !
- Tu sais faire la couture ?
- Comme toute femme qu’a eu une mère.
- Bon je te prête la cabane tant que t’en a besoin. Tu pourras ranger un peu dedans, histoire d’avoir de la place. Demain j’attèlerai la charrette au vélo pour récupérer un ou deux sacs qu’ont pas besoin d’être là l’hiver. J’y viens tous les week-ends le matin. Même si y’a rien à faire. C’est une question d’air.
- La vie te le revaudra Laurent.
- Bof, ça on verra. En attendant, si tu veux me ravauder quelques affaires, ça me serait bien utile. Et puis, j’ai l’un ou l’autre copain qui sont seuls. Ils ont aussi quelques nippes à rapiécer contre une pièce.
Elle le regarde. On lirait comme un étonnement bourru dans son regard.
« J’ai jamais trop aimé les travaux de femme. Mais là je vais pas me faire prier.
Cela fait trois semaines que Laurent retrouve chaque week-end l’Odette. Elle a ravaudé toutes ses affaires. Elle sait faire, même sans plaisir.
Ils parlent peu. Il a pas demandé d’explications sur sa vie. Chacun est maître chez soi.
Il arrive ce samedi là, tout guilleret avec sa thermos et ses croissants. La porte est restée fermée.
Il se dirige rapidement vers la baraque.
Elle était réveillée les autres jours.
Il ouvre doucement la porte.
Elle n’est pas là. Plus de trace d’elle.
En levant les yeux, il voit que la fenêtre est cachée par un rideau. Dessus, elle a brodé un gros cœur maladroit. Et attaché avec une épingle un morceau de papier. Il déchiffre.
« Je pars. J’aime pas de dépendre. Je repasserai te voir. Merci. »
Ses yeux s’humidifient. Depuis l’école, aucune fille n’a dessiné de cœur pour lui. Il trouve ça un peu godiche. Est gêné. Mais il sait que quoiqu’il arrive, le rideau restera à sa place.
Il entend :
« Eh Laurent, tu croupis ? »
Il referme prestement la porte sur le rideau.
« Salut l’Ernest, tu vas chez l’Emile ? »