Circulaire
Ministère de l'Intérieur
5 août 2010
"Le Président de la République a fixé des objectifs précis le 28 juillet dernier pour l'évacuation des camps illicites :
300 campements ou implantations illicites devront avoir été évacués
d'ici trois mois.
En particulier ceux des Roms."
Ces Roms que l’on pourchasse plus activement que les autres étrangers, citoyens de l’Union Européenne, qu'ont-ils de particulier ?
Le rapport de la commission des gens du voyage fournit une explication des fondements de la traque. Ils « sont d’une catégorie différente des Français et ne relèvent donc pas du dispositif d'accueil des gens du voyage» selon les propos du rapport. Ils n’ont pas accès aux aires du voyage dont la loi a rendu la création obligatoire pour les communes de plus de 5000 habitants.
Ils vivent, de ce fait, sur des terrains publics ou privés (squats d’immeubles à démolir un jour, par exemple) sans autorisation du propriétaire ou de la commune. Ils sont dans une illégalité qui justifie toutes les mesures prises à leur encontre. L'occupation "sauvage" des terrains et lieux abandonnés donne attribution et les prérogative aux maires et préfets, il y a leur expulsion.
"Elle est à toi cette chanson
Toi l'étranger qui sans façon
D'un air malheureux m'as souri
Lorsque les gendarmes m'ont pris
Toi qui n'as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir emmener"
Georges Brassens
Les limites de ces interventions, la décence, l’humanité semblent absentes de la loi et des pratiques.
"La réglementation du droit de libre circulation européen donne une autre clef de question.Le droit de séjour (des citoyens européens au sein de l'Union Européenne) pour une période supérieure à trois mois reste soumis à certaines conditions:
- - soit exercer une activité économique en qualité de travailleur salarié ou non salarié;
- - soit disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil pendant son séjour. À ce propos, les États membres ne pourront pas fixer le montant des ressources qu'ils considèrent comme suffisantes, mais ils doivent tenir compte de la situation personnelle de la personne concernée;
- - soit suivre une formation en tant qu'étudiant et disposer de ressources suffisantes et d'une assurance maladie afin de ne pas devenir une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil pendant son séjour;
- - soit être membre de la famille d'un citoyen de l'Union qui entre dans une des catégories susdites."
Les Roms sont considérés comme ayant des ressources insuffisantes. Tous les trois mois, il peuvent être chassés de France et y revenir par une autre frontière pour trois nouveaux mois. Ils augmentent ainsi à coût de voyage réduit pour la France les quotas d'expulsion, en sachant que le coût moyen d'une expulsion est de 21000€.
"Elle est à toi cette chanson
Toi l'hôtesse qui sans façon
M'as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m'ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S'amusaient à me voir jeûner"
" Lorsque les gendarmes m'ont pris "
Un exemple parmi d’autres en 2010 dans un village jouxtant Grenoble.
Des policiers, matraques au poing, aspersion de bombes lacrymogènes de très forte puissance. La scène se passe dans un garage désaffecté. Les dernières personnes en sortent en toussant, étouffées par les gaz des forces de l’ordre. Elles ont à peine émergé des lieux où elles avaient trouvé un foyer qu’un bulldozer entre en action. Les plafonds s’écroulent, les cloisons s’effondrent sur les affaires de ces citoyens.
Un voyage à l'escorte très particulière encouragé par l'Etat français
31.08.2011 - Le campement de Saint Denis.
Un jour comme les autres dans ce département pour qui le déplacement stérile des personnes s’avère une utilisation régulière de l’argent public depuis la sortie de la circulaire du 5 août 2010 du ministère de l'intérieur sur l'évacuation des campements illicites et en priorité ceux des Roms comme cela est précisé.
En pleine heure de pointe, une centaine de personnes munies de leurs valises et de tous leurs effets arrivent sur le quai du RER de Saint Denis à la suite d’une décision d’expulsion du Tribunal de Bobigny. Il n’est guère possible actuellement de savoir si l’ordre en a été donné au policier par la préfecture. De même que l’initiative de mettre une rame spéciale à disposition des forces de police n’est pas revendiquée avec fermeté. Cette rame gracieusement offerte à ces familles a été investie d’une garde protectrice d’une dizaine de policiers et de CRS ainsi que de quatre agents de la SNCF. Le dévouement des forces de l’ordre s’est avéré si remarquable qu’elles ont préféré empêcher toute entrée et sortie des wagons aux arrêts.
Pierre Mongin, président de la RATP, explique : «Des fonctionnaires de police ont décidé de permettre le transport de ces personnes.»
C’est une générosité à laquelle la RATP ne nous a pas habitué.
Le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, encourageant ses hommes à continuer leur besogne, a confirmé ses convictions et ses ordres : "Je rappelle que la Shoah, ce n'était pas partir volontairement après une décision de justice vers un lieu de son choix." Il a terminé par une leçon aux humanistes qui se sont exprimés : "Des propos comme ceux-là banalisent la Shoah et, finalement, encouragent au négationnisme".
Des heures grises
Les responsabilités des différents protagonistes se diluent. Dans cette situation, sans concertation, semble-t-il, différentes personnes ont chacune, à leur niveau, contribué à remettre en scène à l’égard des Roms un processus d’évacuation en rame qui évoque les prémices d’heures noires de l’histoire européenne.
Des fonctionnaires ordinaires ont simplement fait leur travail. Il y a des ordres d’évacuation, qui sont régulièrement exécutés sans doute sans interrogation. Peut-être va-t-on un peu plus loin que la consigne, mais c’est plutôt bien vu par les temps qui courent. Ces fonctionnaires, passés pour certains du statut de gardiens de la paix à celui de forces de l'ordre, opèrent avec la conscience légère des gens sûrs de protéger leurs concitoyens. Le ministre risque même d’approuver.
Les autres fonctionnaires aussi sont allés un peu plus loin que la consigne. Ils ont mis une rame gracieusement à disposition d’un groupe de voyageurs qui déménageaient - un peu encombrants avec tout leurs bagages - même des vélos – Donc, les fonctionnaires ont permis de rétablir des conditions de circulation normales pour les voyageurs réguliers. Et puis quatre d’entre eux les ont accompagnés. Quoi de plus habituel ? Pourquoi ? L’histoire ne le dit pas. Voulaient-ils aider tous ces gens à porter leurs bagages à leur lieu de destination ? Cela semble peu vraisemblable. Alors quel rôle se sont-ils octroyés?
Après toutes ces attentions, que sont devenus ces voyageurs qui méritaient tant d'égards ? Ils semblerait que leurs guides les ai perdus.
On sait seulement qu’ils ont appelé Médecin du Monde pour avoir des nouvelles de leurs enfants qu’on a séparé d’eux à leur montée dans le train.
Quand on commence à séparer de force les parents des enfants …
Selon la pensée de Serge Portelli, Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Paris, nous vivons des heures grises. Faisons en sorte que des heures noires ne nous amènent pas à regretter : nous n’avons pas voulu voir.
Pour en savoir plus :
Des Roms évacués dans une rame de la RATP en banlieue
Malaise à la RATP après une expulsion de Roms
Droit de libre circulation dans l'Union Européenne