Le porte-lumière croissait paisiblement aux abords des façades à géranium.
Les passants, le soir venu, recherchaient leur compagnie.
Ils auraient aimé les emmener avec eux dans leurs déambulations nocturnes. Mais le porte-lumière
était déterminé voire têtu. Il refusait de quitter l'emplacement qu'il s'était choisi.
Rien n'y faisait, ni les supplications, ni les offres avantageuses, ni les menaces.
Elle s'était engagée dans une ruelle sombre.
Il n'y poussait ni géranium, le soleil ayant décidé
de distribuer sa lumière ailleurs, ni porte-lumière.
Elle avançait d'un pas rapide craignant à tout instant
de voir surgir une lame en travers du chemin. Elle était
elle-même fort habile dans le maniement des aiguilles.
Elle en avait en permanence deux paires sur elle.
Mais dans cette pénombre, la rapidité pouvait vous
clouer au sol en un instant.
L'univers bascula. Un tourbillon se mit à virevolter devant elle.
Elle fut happée. Elle entra, fortement bousculée dans un univers étrange.
Dehors un typhon balayait arbres, demeures, gens et bêtes.
Au moment où elle fut introduite dans l'autre monde, elle se rendait à la demeure de son amoureux. Il habitait un ancien temple païen qu'il avait aménagé. Les gens ne l'aimaient pas beaucoup. Ils parlaient de sorcellerie.
Pourtant rien n'avait pu être montré.
Mais il passait de longues heures en forêt. Et fabriquait des colliers et des mélicoutas supposés apporter la sérénité.
En levant la tête, les mauvaises
langues du village auraient pu voir
un dragon des marais accroché
à la flèche du temple. Il semblait
momifié mais tous savaient que
c'était une apparence.
Il pouvait s'éveiller d'un instant
à l'autre. C'était la première fois
qu'une manifestation réelle du
monde des sorciers franchissait
le seuil du village.
Dans la forêt, nul n'en
avait vu. Mais ils aimaient à le
faire croire.
Le dragon annonçait la venue de
temps nouveaux.
L'amoureux avait-il un rôle
prééminent à y jouer ?