En provenance du Collectif des SDF de Strasbourg :
Le Collectif estime le nombre de personnes privées de leur droit au logement à Strasbourg entre 800 et 1000.
Le plan d'urgence hivernal pour Strasbourg serait de :
260 places réservées exclusivement aux familles avec enfants ;
80 places supplémentaires pour les demandeurs d'asile, exclusivement les familles avec enfants ;
Peut-être quelques places pour les femmes.
Rien pour les couples sans enfants et les personnes isolées, rien pour les personnes avec un animal.
À ce jour, contrairement à d'autres villes, d'autres régions, le plan hivernal n'est pas encore activé.
Nous avons appris que la Préfecture avait un projet dans les cartons pour la période de grand froid, basé sur les températures.
Il s'agit de nuitées d'hôtel. Si la température baisse à -10° il y aura des nuitées mais elles seront supprimées dès une remontée...
Rien de pérenne, pas d'accompagnement social ; bref, pas cher.
De plus on se demande comment le Préfet fera en période de marché de noel où tous les hôtels sont pleins...
Le Collectif a RDV mardi matin avec l'adjoint au logement.
18h.
La cafet accueille des jeunes de moins de trente ans en galère.
L'ambiance est chaude, paisible.
Soad apporte avec les échaffaudages d'assiettes fumantes du dîner. Un bon arôme d'épices
du soleil chatouille les narines.
Lucien et Eric, cuisiniers, se relaient midi et soir pour préparer d'ingénieux repas variés et goûteux,
à l'aide des mets mis à disposition par la banque alimentaire et des denrées achetées en complément.
Ces deux là aiment leur métier et les papilles leur en sont reconnaissantes.
Arrive Majid. Il est un peu énervé. Je le regarde s'agiter avant de comprendre qu'il souhaite qu'un éducateur
téléphone depuis le téléphone de la cafet pendant qu'il appelle lui-même d'un portable. Les coups de téléphone
ont l'air urgents et importants.
L'éducateur, rassurant et prévenant, essaie inlassablement de joindre le correspondant, tandis que Majid
également appelle et recommence de son côté sans fin.
L'atmosphère dans ce lieu est paisible, bienveillante. Un couple d'hommes dîne avec ses chiens calmement couchés par terre.
Une autre table est occupée par trois jeunes hommes et une jeune femme. Une maman prend son dîner, son
bébé couché dans un landeau à côté d'elle. On est loin de la brutalité que ces personnes vivent au quotidien dans
leur lutte pour la survie jusqu'au sein d'institutions sociales.
Majid s'adresse à moi. L'éducateur a dû s'absenter. Il me demande d'appeler le 115 avec le téléphone de la
Cafet tandis qu'il tente sa chance de son côté sur son portable. "Pour avoir plus de chance, me dit Majid. Ils
donnent des heures où on doit les rappeler plusieurs fois par jour. On essaie pendant une demi-heure,
plusieurs fois par jour. Ça sonne tout le temps occupé. Et puis, quand il décroche c'est pour donner une
autre heure. Mais là, si j'ai rien, je dors dehors. Tu sais la température cette nuit ? ... 0°.
Les nuits quand il fait froid comme ça, c'est impossible de dormir. On marche dans un sens, dans l'autre pour
moins sentir le froid. Toute la nuit. Et le matin, on a les démarches à faire, chez l'assistatnt sociale. On est
complétement nase."
Je prends le téléphone et je commence moi aussi à chiffrer le numéro qui sonne occupé, occupé, occupé.
Son éducateur revient. Prend le relais. Majid souhaite aller fumer une cigarette. Son éducateur continue
dans la cafet. Majid sur le trottoir.
Enfin , le 115 décroche, l'éducateur fait patienter son interlocuteur. Majid arrive en courant. Il obtient une
place dans un dortoir de 20 personnes. Il sera au chaud, cette nuit, mais n'est pas sûr de dormir. Cela dépendra
des voisins. Et demain recommencera à appeler le 115.
Un jeune s'excuse de reprendre son portable. Majid le lui a emprunté. On lui a volé le sien.
Il est sorti de 3 ans de prison depuis quelques jours. Il a pour tout bagage ses vêtements et
une banane avec ses papiers.